Le 12 juillet 1998, la France gagnait bien plus quâune Coupe du monde. Elle gagnait les cĆurs. Elle offrait au monde lâimage dâune nation plurielle, forte de ses diffĂ©rences. Une France Black Blanc Beur, rassemblĂ©e dans la joie et la fiertĂ©.
Ce soir-lĂ , jâĂ©tais Ă TĂ©touan, au centre culturel français. Devant lâĂ©cran, entre les cris et les applaudissements, quelque chose sâest passĂ© en moi. Ce nâĂ©tait pas quâun match. CâĂ©tait une rĂ©vĂ©lation. Jâai senti que cette RĂ©publique, si lointaine et pourtant si familiĂšre, pouvait aussi devenir mienne. Ce jour-lĂ , jâai su que je voulais en faire partie. Que je voulais marcher sur ses chemins, en homme libre, sans jamais oublier les miens.
Dans Parcours du combattant, tel pĂšre tel fils, jâĂ©voque ce moment avec Ă©motion. Mon pĂšre, Ahmed, avait lui aussi croisĂ© le destin de la France, dans un tout autre contexte. Il avait combattu sous son uniforme, portĂ© ses espoirs, bravĂ© ses silences. Il mâa transmis une histoire, une fiertĂ© discrĂšte, une mission Ă poursuivre. Ce que lui a entamĂ©, je me suis promis de le continuer.
Et si ce soir dâĂ©tĂ© 1998 a Ă©tĂ© un dĂ©clic, câest parce quâil mâa tendu un miroir : celui dâun avenir possible. Dâun pont entre deux rives. Entre mes racines marocaines, ma culture musulmane, et ce rĂȘve rĂ©publicain dâĂ©galitĂ©, de libertĂ©, de fraternitĂ©.
Je nâai jamais cherchĂ© Ă renier une partie de moi. Au contraire. Jâai compris que lâon pouvait appartenir Ă plusieurs terres, sans se perdre. Que la fidĂ©litĂ© Ă son origine nâexcluait pas le dĂ©sir de contribuer Ă une sociĂ©tĂ© plus grande, plus juste, plus humaine.
Aujourdâhui encore, je porte en moi cette flamme. Elle vacille parfois, mais elle ne sâĂ©teint pas. Elle guide mes mots, mes engagements, mes livres. Et surtout, elle me relie Ă ce soir de 1998, oĂč un jeune garçon de TĂ©touan a compris quâil pouvait rĂȘver, non pas contre, mais avec. Avec la mĂ©moire de son pĂšre. Avec les promesses de la RĂ©publique. Et avec lâespoir, un jour, dâachever ce qui a Ă©tĂ© commencĂ©.
« Ce soir-lĂ , jâai compris quâon pouvait rĂȘver avec la mĂ©moire de son pĂšre et les promesses de la RĂ©publique. »
