Chaque 8 juin, la France rend hommage aux « Morts pour la France » en Indochine. Mais derrière les cérémonies officielles, combien de noms, combien de visages sont oubliés ? Combien d’hommes venus de loin ont versé leur sang pour une patrie qui, souvent, a détourné le regard ?

Parmi eux, il y avait mon oncle Mohamed. Parti jeune, plein de courage, pour combattre l’Allemagne nazie, il n’est jamais revenu. Pas de sépulture, pas d’adieu. Seulement un vide et un silence dans la mémoire familiale. Un sacrifice englouti dans les marges de l’Histoire.

Il y avait aussi mon père, Ahmed. Après la Seconde Guerre mondiale, il s’est battu en Indochine, sous le drapeau français. Il a connu les combats, la faim, l’exil intérieur que connaissent ceux qui survivent sans qu’on les regarde. Et pourtant, qu’a-t-il reçu en retour ? Une retraite dérisoire, 1200 dirhams par mois — à peine 120 euros — versée par le Maroc, son pays natal, car la France, elle, lui avait refusé tout droit. Un refus signé sous la présidence de François Mitterrand, au nom d’un oubli politique qui ne disait pas son nom.

Il aura fallu attendre Jacques Chirac, il aura fallu attendre que des acteurs crient l’injustice dans Indigènes pour que la France se souvienne enfin. Mais pour mon père, il était trop tard. Il est mort en 1999, sans reconnaissance, sans réparation, sans justice. Comme tant d’autres.

Aujourd’hui, alors que l’on commémore les héros, je veux rappeler que derrière les drapeaux et les discours, il y a des hommes, des visages, des familles brisées par l’oubli. Leur courage n’a pas d’équivalent. Ils ont porté l’uniforme d’une patrie qui n’a pas su toujours leur rendre ce qu’ils lui avaient donné.

En ce 8 juin, souvenons-nous d’eux. Non par devoir, mais par honneur.

À Mohamed, à Ahmed, et à tous les invisibles de l’Histoire.