A l’occasion du début du jeûne du mois de Ramadan, la Fondation de l’Islam de France a organisé ce jeudi 15 avril un échange FacebookLive entre l’islamologue Ghaleb Bencheikh et Tareq Oubrou, recteur de la mosquée de Bordeaux. Le thème portait sur la signification de cette pratique en nos temps incertains. Rite islamique séculaire, le jeûne est aussi pratiqué traditionnellement par les fidèles d’autres obédiences religieuses (carême, par exemple), ainsi que par un nombre croissant de personnes « sans religion ».
Quel sens donne-t-on aujourd’hui au jeûne ? D’où vient le relatif engouement dont il semble l’objet ? Quelle est sa place dans la tradition canonique islamique ? Tous ces sujets ont été abordés avec courage dans ce débat.
J’ai profité de cette occasion pour poser cette question à nos deux spécialistes de l’Islam.
Zouber El Malti : Que répondez-vous à certains penseurs qui considèrent que le jeûne n’est pas obligatoire même s’il fait partie des cinq piliers de l’Islam ?
Ghaleb Bencheikh : Oui, une réalité, c’est une question qui doit être destinée au cheikh Tarik Oubrou.
Il y a tout un débat sur il vous est prescrit. Il n’a pas été dit, il vous est, vous êtes obligé de, ou vous êtes tenu de. Le terme arabe est “laqad koutiba”. Et ce n’est pas “laqad fourida”.
Mais à ce débat, au mini débat qui s’est instauré depuis quelque temps. Certains rites sont aussi explicités par l’enseignement prophétique, la prière est centrale dans la pratique cultuelle islamique, mais la manière de la pratiquer, de s’en acquitter, de l’observer a été expliquée encore une fois par l’enseignement prophétique.
Ce qui est sûr, encore une fois, c’est que la pratique du jeûne est personnelle, éminemment personnelle et individuelle. Il faut sortir de la tyrannie, j’allais dire de la communauté ce qui se passe si je me réfère uniquement à notre pays.
Ici, dans certains quartiers, dans certaines banlieues, ce qui est perçu comme étant une trahison, une désertion et même un manque de bravoure de ne pas jeûner et donc les autres viennent penser au mieux le déjeuneur.
Et ailleurs, sous d’autres climats et dans certains pays, il y a la judiciarisation du fait de manquer le jeûne par l’administration, ce qui est inacceptable.
L’administration n’est pas Captatrice de la conscience des personnes. Donc, en réalité, le débat est sur ce mot sur le fameux verbe. Le reste, c’est une pratique reconnue faisant partie des cinq piliers de l’islam.
J’ajoute. En réalité, ce qui est recherché par le croyant, c’est le fait de croire en Dieu. Le jour du Jugement dernier et de faire des œuvres, puis de faire des bonnes œuvres.
Mais un musulman de stricte observance, ayant la validité physique, la possibilité de s’acquitter de cette pratique pourrait être un bon pratiquant. Je ne dis jamais bon musulman. Il vaut mieux d’ailleurs mettre l’épithète de l’autre côté. Il vaut mieux avoir des musulmans bons que de chercher à être des bons musulmans.
Mais en tout cas, quelqu’un qui est de stricte observance aura à jeûner parce que le jeûne est un lien direct entre le divin et la créature.
Monsieur le recteur, vous voulez aller Répondre ?
Tarek Oubrou : oui.
En effet, il y a beaucoup de prescriptions qui s’imposent mais qui n’existent pas dans le Coran. Les cinq prières n’existent pas dans le Coran, par exemple.
En tout cas, tout dépend comment on pratique le jeûne parce que le jeûne est fait pour l’humain et pas le contraire.
C’est de l’interprétation des pratiques dont il s’agit, parce que c’est la loi qui est faite pour l’homme et pas le contraire.
Le jeune s’inscrit même dans l’éthologie animale. Il y a des animaux plus jeûnes qui rentrent en hibernation. C’est même un besoin biologique.
“Soumou tasihhou”. Jeûnez, vous aurez la santé. Le prophète est une thérapie du corps également.
Aujourd’hui, il y a des cliniques du jeûne, etc…
Cette prescription est bénéfique à tout égard à l’être humain, abstraction faite parce qu’elle est obligatoire ou pas une obligation ? Peu importe. C’est comment on jeûne et pourquoi on jeûne ? Et dans quel sens ? C’est cela qui doit nous importer.
Le musulman ne marche pas tout le temps avec des coups d’obligation, mais avec une adhésion, avec un désir, parce qu’il donne sens de sa pratique de toute façon. Et c’est vrai qu’il y a des pratiques effectivement qui ternissent l’image des jeunes et qui dégoûtent les gens.
De toute manière, celui qui est capable de jeûner, qu’il jeûne. Celui qui n’est pas capable. Il a une dérogation ? Où est le problème, donc, s’il y a une difficulté, il a une dérogation de ne pas jeûner, de commuer cette pratique par le don, etc…
N’importe comment, le musulman trouvera d’une manière ou d’une autre : jeûner ou pas jeûner.
Voilà. Donc le problème, ce n’est pas dans le sens de l’obligation, c’est dans le sens que nous donnons à cette obligation de toute manière.